Le Fils illégitime : Chapitre 4

Le fils illégitime
Claire Peraud

CHAPITRE 4

          Je m’étais levĂ© tĂ´t pour suivre mon père Ă  une chasse Ă  courre. D’habitude, il y allait seul. Mais pour les grandes occasions, j’y Ă©tais systĂ©matiquement conviĂ©, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’une chasse royale. L’air du matin Ă©tait un peu frais. Je chevauchais auprès de mon père sans trop regarder oĂą nous allions. Nous nous enfoncions dans la forĂŞt pour rejoindre le point de rendez-vous en suivant une piste visiblement foulĂ©e par de nombreux sabots avant nous. Mon cheval Ă©tait habituĂ© Ă  suivre docilement ses congĂ©nères et je ne me souciais guère du chemin. Comme mon père n’était pas d’humeur bavarde, je profitai du trajet pour refaire le point sur mes quinze derniers jours. Deux semaines Ă©taient passĂ©es depuis l’incident du cercle d’escrime et en l’espace de quelques jours, les choses autour de moi semblaient avoir changĂ©. D’abord, les rumeurs qui me concernaient, Ă©taient mortes aussi vite qu’elles Ă©taient nĂ©es. Quant aux raisons de ce soudain revirement, j’avais une vague idĂ©e de la personne qui y avait mis fin. Dès le lendemain du bal, j’avais averti mon père que je n’irai plus au club d’escrime. J’avais rajoutĂ© que s’il souhaitait que j’apprisse l’art de l’épĂ©e, je devrais suivre des cours privĂ©s. Bizarrement, il ne m’avait fait aucune remarque et avait acceptĂ© mes conditions sans broncher. Il m’avait simplement rĂ©pondu qu’il me chercherait un maĂ®tre d’arme et m’avait renvoyĂ© Ă  mes occupations. J’avais donc repris ma vie de tous les jours. Mais lĂ  aussi, je notais certaines diffĂ©rences. Je faisais l’objet d’une attention inattendue et les regards pesants Ă  mon Ă©gard s’étaient dissipĂ©s. C’était comme si les dernières annĂ©es de rĂ©criminations que j’avais subies, n’avaient pas existĂ©es. Cela me mettait mal Ă  l’aise. Cependant, je n’arrivais pas Ă  comprendre pourquoi les choses avaient changĂ© ainsi ? Etait-ce Ă  cause de ces dernières fausses rumeurs ? J’avais quelques doutes. La seule chose qui n’avait pas changĂ©, — et au contraire avait empirĂ© — Ă©tait mes maux de tĂŞte. Il me semblait d’ailleurs que plus nous nous insinuions dans la forĂŞt et plus ma migraine augmentait…

          « Gabriel ? m’interpella mon père. Sois un peu plus attentif, nous sommes enfin arrivés.
          Nous venions d’entrer dans une petite clairière où se trouvait le point de ralliement. Au loin, dans un enclos de fortune, on avait mis les chiens courants qui aboyaient impatients de débusquer le gibier. A l’opposé, on avait installé une tente suffisamment grande pour y accueillir une table de plusieurs dizaine d’hommes. Un peu à part, une autre tente beaucoup moins grande avait été montée. Elle était réservée à la gente féminine. Certaines dames venaient accompagner leurs époux et elles pouvaient s’y reposer en attendant leur retour.
Chaque fois que je venais à ce genre d’événement, j’avais toujours l’impression que le roi Audric transportait toute une ville avec lui. Non seulement, il fallait préparer les installations présentes dans la clairière, mais il fallait aussi faire suivre tout le petit personnel : écuyers, gardes chien, serveurs, cuisiniers… Il était clair que pour le roi, la chasse n’était pas le véritable enjeu de tout cela. Je regardais encore l’effervescence qui régnait dans les lieux puis me retournait vers mon père :
          -   Pardonnez-moi, j’étais perdu dans mes pensées.
          -   Je le vois bien. Il serait temps de nous mettre au travail avant l’arrivé de Sa Majesté. »
          Mon père ne m’emmenait pas aux véneries pour des histoires d’étiquette comme cela pouvait le sembler ou me donner le goût de la chasse, mais pour bien autre chose. Il tourna la tête en direction d’un groupe de cavaliers :
          « Regarde, ces hommes. Sur la droite, le Marquis d’Island accompagné de son fils et à gauche, il s’agit du comte de Chenais. Island et Chenais font un honnête commerce d’étoffe pour l’un et d’alcool pour l’autre. Ils sont très influents auprès des autres commerçants, bien que le comte de Chenais ait un sale caractère.  Je te conseille de ne jamais te les mettre à dos.
Puis il tourna son regard vers un groupe de personnes qui avait mis pied à terre :
         -    Il n’y a pas beaucoup de nouvelles têtes aujourd’hui … dit-il agacé.
         Il parcourut encore quelques visages et sembla trouver quelques spécimens intéressants. Il cita encore quelques noms, me brossant leur portrait et les avantages ou désavantages à les côtoyer, quand soudain son visage s’empourpra. Je suivis alors son regard et reconnus le comte de Reney. Il venait visiblement d’arriver et chevauchait au milieu des convives, accompagné de deux magnifiques chiens de chasse : des Billy.
        -   Pourquoi ne l’aimez-vous pas ? lui demandai-je.
        -   Je te l’ai déjà dit. Il est de mauvaise compagnie. Ne cherche pas à t’approcher de lui. »
         Sa réponse était aussi évasive que la première fois…

         Soudain les trompettes retentirent et une suite de chevaliers fit son apparition. Ils se mirent en haie d’honneur pour accueillir le roi Audric. Ce dernier portait un élégant habit de chasse en partie caché par un plastron. Son cheval était quant à lui revêtu d’une légère cuirasse. En regardant, mieux sa garde rapprochée, je vis qu’elle était également cuirassée et armée d’arbalètes. Je me retournai vers mon père quelque peu étonné :
        -   J’ai omis de te dire que cette chasse serait un peu particulière, précisa-t-il.
         Mon père sortit alors sa côte de maille jusque-là cachée dans un sac.
        -   Et à quel point sera-elle particulière ? lui demandai-je en le regardant enfiler sa protection.
        -   Le roi part à la chasse à l’ours.
         Je ne cachais pas ma surprise :
        -   Mais, il n’y a pas d’ours en Illisian.
        -   C’est ce que nous croyions, nous aussi, jusqu’ici. Cependant, on nous rapporte des histoires étranges. Des bêtes de ferme éventrées, des empreintes de pas à l’orée des villages et des griffures sur des troncs. Sans compter ceux qui disent l’avoir vu… dit-il sans conviction. Cependant, nos soldats envoyés dans les bois sont formels. Il n’y a pas plus d’ours que de tigres dans notre royaume.
        -   Dans ce cas, à quoi rime toute cette mascarade ?
         Mon père resta un instant sans rien dire, le regard fixé au loin. Il semblait partagé sur ce qu’il souhaitait me dire :
        -   Je te le dis à toi seul, reprit-il simplement. Cela doit rester entre nous. Nous avons lâché un ours pas plus tard qu’hier dans cette partie de la forêt.
        -   Vous comptez chasser un pauvre ours pour étouffer l’histoire ?
         Mon père haussa les épaules :
        -   C’est la manière la plus efficace pour rassurer tout le monde. On leur montrera le cadavre et les esprits seront calmés.
        -   Vraiment ! Si ces rumeurs ont commencé, c’est pour une bonne raison. N’aurait-il pas été préférable d’en chercher la source plutôt que de créer cette situation ?
        -   Je savais que tu me dirais cela, dit-il en souriant. Sache qu’une enquête est en cours. Mais en attendant, il faut calmer les esprits. Je compte sur toi pour garder tout ça secret.
         Je fis un signe de la tête en guise de réponse :
        -   Je dois rejoindre le roi, continua-t-il en faisant légèrement avancer son cheval. Quant à toi, je préfère que tu restes à l’écart de cette histoire. Une petite vénerie va débuter dans laquelle je souhaite te voir aller. Comme tu dois t’en douter, peu de gens se sont portés volontaires pour aller traquer l’ours. Rejoins donc nos amis de Chenais et Island. Ils seront ravis de voir le fils du premier conseiller à leur côté. »
         AussitĂ´t sa phrase terminĂ©e, mon père donna un coup d’étrier et son cheval partit au trot. Il alla directement rejoindre le  roi. Ce dernier lui adressa quelques mots auxquels mon père acquiesça. Puis il fit signe aux fanfares de lancer la première vĂ©nerie. AussitĂ´t, les cors rĂ©sonnèrent, annonçant le dĂ©part. L’équipage appelĂ© se forma rapidement. Je me mis un peu Ă  l’écart pour jeter un dernier coup d’œil aux hommes restĂ©s auprès du roi. La chasse Ă  l’ours allait effectivement se faire en nombre restreint. A peine une dizaine d’hommes. Mais c’était sans compter sur l’escorte royale qui les accompagnait. Je constatai, Ă  ma grande surprise, que le comte de Reney Ă©tait restĂ© Ă  leur cĂ´tĂ©. Il avait mis pied Ă  terre pour revĂŞtir son plastron et avait confiĂ© ses chiens Ă  un domestique pour qu’ils rejoignent la meute. Mon père Ă©tait, quant Ă  lui, retournĂ© Ă  la droite du roi Audric. Ce dernier Ă©tait un homme très aimĂ© de son peuple. Grand et athlĂ©tique, il descendait d’une ancienne lignĂ©e royale très influente en Illisian. Son autoritĂ© n’avait jamais Ă©tĂ© dĂ©savouĂ©e. C’était un homme droit qui inspirait le respect et qui le rendait. Un bon roi en somme. Il me semblait cependant très dĂ©contractĂ© pour quelqu’un qui allait Ă  la chasse Ă  l’ours. MĂŞme en sachant que la bĂŞte n’était pas si dangereuse, -  on avait dĂ©jĂ  rĂ©ussi Ă  l’attraper  – elle n’en restait pas moins un animal sauvage. J’observai encore un instant le groupe d’homme puis j’allai me joindre au dĂ©part.
         En regardant autour de moi, je repérai rapidement les deux hommes qui m’intéressaient et m’avançai vers eux. Le marquis d’Island, son fils et le comte de Chenais étaient en pleine discussion. Ils ne semblaient guère s’occuper de savoir comment aller se dérouler la chasse. Arrivé à leur portée, je les saluai. On m’accueillit poliment. Seul le comte de Chenais se montra un peu froid. Mais connaissant sa nature grâce à mon père, je ne lui en tins pas rigueur. Nous eûmes juste le temps d’échanger quelques mots quand les cors sonnèrent de nouveau. Le départ était proche. On vint placer les chiens en tête de la vénerie. Ces derniers formaient une meute massive bouillonnant d’énergie. Une fois que tout fut en place, le dernier signal fut donné. La meute lâchée, l’équipage se mis enfin en branle. Très rapidement les chiens repérèrent le renard que les limiers avaient débusqué plus tôt dans la matinée. Les chasseurs les plus chevronnés prirent alors la tête de la vénerie. De mon côté, je restais à l’arrière avec les comtes de Chenais et d’Island. Nous faisions partie de ceux venues plus pour prendre l’air plutôt que de chasser. Très vite les chiens perdirent la trace de l’animal. Mais il ne fallut pas beaucoup de temps pour qu’ils la retrouvassent.  Le renard courait avec agilité et semblait narguer les chiens. Il reprit ses distances à grande vitesse. Après plusieurs kilomètres parcourus, nous le perdîmes de vue. Nous arrivâmes alors à une rivière. Les chiens se mirent aussitôt en quête de retrouver l’endroit où celui-ci avait mis pied. La piste retrouvée, ils reprirent leur traque.

         Au bout d’une heure, je commençais à montrer des signes évidents de lassitude. La chasse à courre n’était pas mon loisir favori. Je commençais à réfléchir à un moyen de quitter la vénerie, quand ma migraine réapparut violemment. Elle était si forte que je sentis mon sens de l’équilibre se troubler. Percevant que cela risquait durer, je décidai de  prendre congés :
« J’en ai assez vu pour ma part, dis-je en m’arrêtant net. Je retourne au camp.
         Les comtes de Chenais et d’Island s’arrêtèrent à mon niveau :
        -   Nous nous sommes enfoncés très loin dans la forêt. Allez-vous pouvoir vous retrouver ? demanda le comte de Chenais.
        -   Ne vous inquiétez pas. Je retrouverai mon chemin. 
         Je souris pour les rassurer.
        -   Soit, dans ce cas nous vous laissons, fit le marquis d’Island. »
         Son fils et le comte me firent un signe poli de la tête et ils repartirent en direction de la chasse. De mon côté, je rebroussais chemin et suivais le sentier que les chevaux avaient marqué. J’avançai au trot pendant une dizaine de minutes quand soudain j’arrivai à une fourche. A ma grande consternation, les deux sentiers avaient été foulés. Après un moment d’hésitation, je prenais sur la gauche convaincu que les deux chemins se recoupaient. Au bout de plusieurs minutes, je me trouvai de nouveau face à une intersection. Le passage devenait de plus en plus étroit et les traces de chevaux avaient disparu. Je fis une pause pour regarder aux alentours, quand je sentis mon cerveau comme lardé par des milliers d’aiguilles. La douleur fut si vive que je manquais de basculer de mon cheval et de m’écraser au sol. Hagard, je repris mes esprits et fis faire demi-tour à mon cheval. Je vis alors les deux Billy du comte de Reney venir vers moi. Ils semblaient renifler une piste sans qu’aucun maître-chien ne les ait suivis. L’un d’eux s’engouffra dans un talus couvert de buissons et de ronces. Je ne le voyais plus. Ce dernier émit un court couinement. Puis, je n’entendis plus rien à part les grognements de celui qui était resté non loin de moi. Le chien montrait les dents en direction du talus. Le poil hérissé, il se lança à son tour dans les buissons. Le chien fut alors projeté avec une force incroyable dans les airs et alla s’écraser contre un arbre, mort. Les buissons se mirent soudain à bouger. Une masse énorme semblait s’y cacher. C’est alors que je vis sortir un ours d’une taille prodigieuse. Je n’avais jamais vu un animal aussi gros. Il devait faire le double de ses congénères et n’avait rien de commun avec ce que je connaissais. Son pelage était argent à collier noir et ses yeux d’un bleu glacial. Quand il me vit, il se mit sur ses deux pattes arrière en grondant et découvrit une mâchoire massive. J’étais à la fois transi et subjugué. Complètement sonné par ma migraine, je n’eus pas le réflexe de tenir ferme les rênes de mon cheval qui prit peur. Affolé, il partit au galop sans que je ne pusse l’arrêter. L’ours se mit aussitôt à nos trousses. Il était véloce malgré sa taille. J’eus beau tirer sur mes rênes, mon cheval ne me répondait plus. Nous cavalions à travers les troncs à une vitesse folle et pourtant l’ours n’était pas loin derrière nous. Conscient que je n’arrêterais pas mon cheval, je m’étais couché sur son encolure pour éviter de recevoir une branche en plein visage. Avec la vitesse, les feuillages cinglaient mes habits. Soudain, je sentis un violent choc déchirer mon épaule droite. Mais j’étais trop occupé à trouver un moyen de calmer ma monture pour regarder si c’était grave. Je ne vis pas arriver le comte de Reney sur ma droite et n’eut pas le temps non plus de m’en étonner. Il réussit à saisir mes rênes et à faire bifurquer mon cheval tout en gardant la cadence. Le calme de son cheval sembla rassurer le mien qui se laissa faire. En regardant derrière, je constatai que l’ours avait perdu de la distance. On était en train de gagner du terrain. Quand mon cheval sembla suffisamment serein, le comte me rendit les rênes et après une cavalcade effrénée, nous avions réussi à semer la bête. Nous étions perdus dans une forêt totalement inconnue. Nous arrivâmes au bord d’un pont en bois construit au milieu de nulle part. A cet endroit la terre semblait s’être fissurée sur plusieurs kilomètres créant une faille profonde d’une dizaine de mètres. Il aurait fallu faire un énorme détour sans ce pont. Aussi, pris par la vitesse, nous traversâmes la construction sans réfléchir, Thomas de Reney en tête. Soudain, un hurlement sinistre vint dans notre direction. L’ours était toujours à notre recherche. Mon cheval encore éprouvé par la peur, s’arrêta net sur le pont et se braqua. Je me tins ferme pour ne pas tomber. Thomas de Reney qui avait déjà traversé, descendit de son cheval pour essayer de calmer ma monture. Cette dernière martelait le bois avec tant de force  que le pont céda sous son poids et nous fûmes happés par le vide. J’avais été projeté de mon cheval loin en arrière et je n’eus pas le temps de comprendre ce qui se passait. Des arbres avaient poussé au fond de la faille et formaient un épais feuillage dans lequel je m’écrasais. Je sentis mon corps irrémédiablement tomber et  tentai de m’accrocher à des branches. Précipité à toute vitesse, je rebondis sur une sorte de toile tirée entre les troncs. Je passai au travers d’une  et heurtai violemment un objet. Quand mon corps atteignit enfin le sol,  j’avais perdu connaissance.

         Je me réveillais sans savoir combien de temps j’étais resté inconscient. J’étais allongé à même le sol sur une paillasse recouverte d’une simple peau de mouton dans ce qui semblait être une grotte suffisamment grande pour y aménager une pièce. Reprenant  doucement mes esprits, je vis poser sur une chaise en face de moi, mon pourpoint.  On avait utilisé ma chemise pour faire des bandages. Une partie avait servi pour ma tête qui m’élançait douloureusement et le reste pour panser mon épaule blessée et mettre mon bras droit en écharpe. J’eus soudain un moment de panique. Quelqu’un m’avait soigné et vu ce que cachait mon épaule droite. Je ne savais plus où j’étais. Quand soudain, la folle échappée contre l’ours, l’arrivée de Thomas de Reney et notre chute dans la faille me revint. J’essayai de bouger mon bras et celui-ci me répondit. Cependant une vive douleur se réveilla aussitôt au niveau de mon épaule et me fit renoncer à toute autre tentative de le bouger :
         «  Réveillé ?  entendis-je sur le côté.
         Je vis alors Thomas de Reney,  debout, une branche en guise de canne et une attèle au pied improvisée avec des morceaux de sa propre chemise et des planches du mobilier présent.
        -   Ne bougez pas trop votre bras, vous vous étiez démis l’épaule, dit-il en avançant en boitillant. Nous sommes visiblement dans une ancienne cache de brigand. Nous aurions pu plus mal tomber, rajouta-t-il avec ironie.  »
         Je le regardai avancer sans savoir ce que je devais faire : le remercier pour m’avoir sauvé et soigné ou l’accabler pour m’avoir ôté mes vêtements sans mon consentement. Le fait qu’il se servît de ma propre chemise pour bricoler des pansements n’était pas vraiment le problème. Mais j’avais vécu toutes ces années sans que personne en dehors de mes parents et mon médecin ne sache pour ma tâche de naissance. Le fait d’en avoir une n’était pas une tare sauf si elle prenait une forme particulière comme la mienne. Elle était de forme triangulaire et isocèle, le sommet pointé vers le sommet de mon épaule droite. On aurait pu la prendre pour un tatouage. Mais elle était de la couleur du sang. Suivant les périodes, elle était plus ou moins apparente. Cependant, il était difficile de la prendre pour autre chose que ce qu’elle était.
         Depuis des générations, la coutume voulait que tout enfant portant une tâche de naissance anormale fût tué dès la naissance. Les formes géométriques faisaient parties de ces soi-disant anomalies. On nous appelait les enfants maudits. Ceux qui échappaient à la mort, tout comme moi, s’ils étaient découverts à l’âge adulte, finissaient brûlés vif sur un bûcher. Pour les anciens, ces taches singulières ne symbolisaient rien d’autre que le mal. Elles faisaient référence à d’anciennes légendes parlant de sorcelleries issues du folklore populaire. Des légendes tellement anciennes que plus personne ni rien ne pouvaient vérifier. Ceux qui portaient ces marques étaient considérés comme des enfants du diable que seul le feu pouvait les purifier. Bien qu’avec les siècles, ce rituel obscurantiste eut faibli, il resta longtemps en application dans bien des petits villages reculés. Il fallut attendre l’arrivée du roi Audric sur le trône d’Illisian pour qu’il disparût officiellement. Le roi fit un décret déclarant cette méthode comme archaïque, barbare et injustifiée. Il rallia les autres royaumes à sa cause et le rituel s’arrêta. Cependant des groupuscules secrets continuaient à tuer de pauvres innocents. Ils oeuvraient dans l’ombre et personne n’a jamais su qui ils étaient. De plus, bien que qu’on ne tua plus les enfants maudits, ils étaient toujours considérés comme mauvais et donc relégués au ban de la société. Pour ces raisons, mon père s’arrangea toujours pour que personne ne sût pour cette tache et en ce qui me concernait j’étais tout à fait d’accord avec le principe. Je n’avais guère envie de finir brûler sur un bûcher pour la simple raison d’être né avec une tache de vin particulière.
         « Vous l’avez vu ? demandai-je sans fioriture.
         Thomas de Reney s’arrêta net :
        -   De quoi ?
        -   Vous savez très bien de quoi je parle, dis-je en haussant le ton. Je parle de ma tache de naissance.
        -   Ah ça ! Il n’y a pas de quoi s’énerver, fit-il d’un ton rassurant.
        -   Bien au contraire, si cela venait à se savoir, je pourrais finir au bûcher.
         Thomas de Reney souffla :
        -   Nous aurions eu cette discussion vingt-cinq ans plus tôt, j’aurais compris. Mais aujourd’hui, on ne tue plus pour une petite tache de vin.
        -   Vous savez parfaitement que c’est faux. Que je sois le fils du premier conseiller n’y changera rien, ça sera même pire, répondis-je avec fermeté.
        -   C’est ce que vous pensez vraiment ? demanda-t-il étonné.
        -   Parfaitement, dis-je avec assurance.
         Thomas de Reney me fixa un instant :
        -   Si j’étais vous, je serais plus confiant, reprit-il. Vous êtes le fils du premier conseiller et le roi a accepté votre adoption. En gros vous êtes sous protectorat royal. Les personnes qui essayeront de vous brûler y réfléchiront d’abord à deux fois. Est-ce que je me trompe ?
        -   Les fanatiques n’ont que faire de tout ça. Si vous parlez, je suis mort, continuai-je sur le même ton. Sur la tête de notre roi, jurez-moi que vous ne direz rien.
        -   Je ne peux pas, dit-il de manière catégorique.
        -   Dans ce cas, sur quelle tête plus importante, pourriez-vous jurer ? demandai-je ironique.
        -   Sur la tête de mes parents, enchaîna-t-il aussi sec.
         Je ris jaune :
        -   N’importe qui est près à jurer sur la tête de ses parents aujourd’hui, ce n’est pas une preuve d’honneur.
         Je vis alors Thomas de Reney s’avancer vers moi et me  prendre par le col de ma chemise :
        -   Pour moi s’en est une. Mes parents sont morts assassinés alors que je n’avais qu’un an.  Ils sont la chose la plus importante pour moi. Et puis, jurer sur la tête du roi à tout va, ça c’est une faute d’honneur.
         Puis il me relâcha d’un coup et partit en retrait :
        -   Je ne pouvais pas savoir  pour vos parents, dis-je navré.
        -   Peu de gens le savent… reprit-il avec un ton renfrogné. Ce qui s’est réellement passé a été étouffé.
         Je me rendis soudain compte que j’y avais peut-être été un peu fort. Rien ne servait d’être sur la défensive :
        -   Pourquoi aurait-on fait ça ? demandai-je calmement.
        -   Mes parents étaient des gens influent dans l’entourage direct du roi. Leur assassinat aurait fait poser beaucoup trop de questions. Etant orphelin et de souche noble, j’ai été recueilli et élevé par le royaume. Ayant passé toute mon enfance à Nairal, j’attendais depuis longtemps que le roi me rappelle sur mes terres natales. Aujourd’hui, je lui dois toute ma reconnaissance de m’avoir recueilli et je suis devenu en quelque sorte, ses yeux et ses oreilles en son absence.
         Thomas de Reney venait de me dire une chose capitale. Il n’était pas obligé de me le dire et je lui étais reconnaissant de s’être ouvert à moi. Soudain, tout était devenu clair. Je comprenais enfin pourquoi mon père rageait tant en sa présence et ne souhaitais pas que je le côtoyasse. Sûrement avait-il peur que sa famille fut mêlée à de mauvaises histoires et surtout que ce dernier allât narrer de fausses choses à mon sujet jusqu’aux oreilles du roi :
        -   Pourquoi me dites-vous tout cela ? demandai-je curieux.
        -   Vous ne me faites pas confiance. Alors peut-être que si je vous dis quelques choses de personnelles et confidentielles,  vous me croirez enfin. Je n’ai pas l’intention de répéter quoi que ce soit. Et si vous ne croyez toujours pas, demandez à votre père !
        -   Que lui demanderai-je? l’interrogeai-je surpris.
        -   Pour moi et pourquoi, je suis ici ?
         Je le regardai étonné :
        -   Je ne comprends pas, dis-je incrédule.
         Je vis alors le sang de Thomas de Reney ne faire qu’un tour :
        -    Ça n’aurait jamais dû se passer ainsi ! s’exclama-t-il à voix haute.
         Il partit d’un coup vers le fond de la grotte puis revint tout aussi énervé :
        -   Ce n’était pas à moi de vous parler de ça.
        -   Mais me parler de quoi ?
         Thomas de Reney s’arrêta net et soupira :
        -   Au point où nous en sommes, fit-il complètement désabusé. Le roi voulait savoir si vous étiez crédible. Je devais le vérifier.
         Je restais un moment sans rien dire et sentis une pointe d’énervement me gagner :
        -   C’est absurde ! Pourquoi ferait-il cela ? Mon père est à sa droite !
        -   Justement. Il n’a pas le temps de voir tout ce que vous faites, ni ce qui se dit vraiment. Moi, par contre, j’ai tout mon temps.
         Thomas alla s’asseoir sur une  chaise  et me fixa  comme pour vouloir appuyer ses propos :
        -   Alors vous me suiviez vraiment !
        -   Oui, désolé, dit-il sincèrement.
        -   Vous me suiviez pour le roi et mon père le savait.
        -   Il n’était pas vraiment d’accord, dit-il en grimaçant. A ce sujet, je crois que votre père ne m’aime pas beaucoup.
         Je laissais se dessiner un sourire sur mon visage pour lui faire comprendre qu’il ne s’était pas trompé. Il me semblait que Thomas de Reney avait tout à fait cerné la personnalité de mon père. Ce qui me prouvait qu’il n’était pas si irréfléchi qu’il me l’avait montré  :
        -   Et qu’allez-vous dire au roi ? demandai-je curieux.
        -   Ce que je vais lui dire ? Mais, c’est déjà fait !
         Je restais immobile sans rien dire.
        -   Normalement, vous auriez dû irrémédiablement rejoindre votre père, continua-t-il . A votre retour, vous auriez eu une petite discussion avec lui et vos responsabilités à venir.
        -   Mes responsabilités ?
        -   Oui.
        -   Le roi veut que je travaille pour lui ?
        -   Le roi ne le veut pas, il l’exige.
         Thomas m’observa un instant pour être sûr que j’avais digéré l’information. Puis, il alla chercher mon pourpoint :
        -   Nous avons que trop discuté. L’ours a dû partir maintenant. J’ai repéré un monte-charge pendant que vous étiez inconscient. Est-ce que vous êtes en état de marcher ?
        -   Je crois.
        -   Dans ce cas, ne perdons plus de temps. On doit nous chercher et l’après-midi est déjà bien avancé.
         Je pris mon pourpoint. J’enfilais mon bras gauche et recouvrais juste mon Ă©paule droite. Thomas avait dĂ©jĂ  pris un peu d’avance. Avec son pied, il ne pouvait pas avancer bien vite. Je me relevais doucement. Le sol semblait un peu tanguer. J’avais pris un mauvais coup sur la tĂŞte.
        -   Par ici, entendis-je à l’entrée de la grotte.
         Je découvris pour la première fois l’extérieur de la faille. Le sol était recouvert d’une sorte de mousse épaisse et d’humus. Les arbres qui avaient poussé dans la faille étaient très hauts pour chercher les rayons du soleil. Juste en dessous d’eux, on avait tendu de grandes toiles à plusieurs hauteurs de couleur vert foncé. La lumière extérieure passait au travers elles donnant un éclat verdâtre au sol. Je constatai qu’elles étaient crevées par endroits. C’était elles qui avaient ralenti notre chute et sûrement sauvé nos vies. Je levais encore  un peu plus la tête et vis ce qui restait du pont. Pas grand chose.
        -   Ceux qui venaient ici avaient bien camouflé leur cachette. On ne voyait rien depuis le pont, commenta le comte.
        -   Que pouvait-il faire ici ?
        -   Difficile à savoir, mais ils sont restés longtemps avant de changer de lieu.
         Thomas de Reney saisit une corde cachée au milieu du lierre qui avait attaqué la falaise. Il tira un bon coup et détacha la corde prisonnière du mur. Un peu plus haut, une sorte de nacelle en bois tenue par deux poulies et se mouvant par un système de contrepoids, se mit en branle.
        -   J’espère qu’elle n’est pas trop abîmée, commenta-t-il en lâchant doucement la corde pour faire descendre la nacelle.
          Les poulies Ă©mettaient un grincement strident Ă  chaque tour de roue. Le comte retenait la corde pour qu’elle ne partĂ®t pas d’un coup et que la nacelle ne s’écrasât au sol suivi du contrepoids. Au bout de quelques minutes, elle fut Ă  nos pieds. Il fixa la corde Ă  son attache puis examina l’ensemble. Les cordes de la structure ne semblaient pas entamĂ©es et le contrepoids qui se balançait Ă  plusieurs mètres de hauteur n’avait pas l’air de vouloir cĂ©der. Il semblait donc n’y avoir aucun danger Ă  prendre ce moyen de transport. Le visage satisfait du comte de Reney me fit comprendre qu’il avait suivi le mĂŞme raisonnement.
        -   Cela devrait tenir, dit-il dans ma direction.
          Je n’avais pas d’autre choix que de lui faire confiance. C’était de toute manière notre seul moyen de nous sortir de cet endroit. Je m’avançai sur la nacelle suivi du comte qui avait récupéré la corde de soutien. Il la fixa à une roue avec manivelle et commença à enrouler la corde. Bien qu’il ne m’eût rien demandé, j’allai à ses côtés et attrapai la seconde poignée et l’aidai à la manœuvre. La nacelle se souleva doucement et le contrepoids commença à redescendre.  Pour ne prendre aucun risque, nous prîmes un rythme assez lent. La nacelle s’éleva et je vis alors le fond de la faille. Thomas n’avait fait aucune allusion à mon cheval et je compris mieux pourquoi. Il baignait dans une mare de sang, les pattes posaient dans des positions improbables. Je me rassurais en me disant que sa mort avait dû être rapide. Thomas de Reney jeta un petit coup d’œil dans la direction où se portait mon regard :
        -   Il est sûrement mort sur le coup, dit-il.
        -   Je l’espère, me semblai-je senti de rajouter.
          Puis nous reprîmes notre travail en silence. Il nous fallut une bonne dizaine de minutes pour atteindre enfin le haut de la faille. La nacelle s’arrêta à environ cinquante centimètres du sommet. Un pieu était enfoncé dans la roche à notre niveau. Le comte y fixa solidement la corde pour qu’elle ne se déroula pas puis en chercha une autre qui descendrait jusqu’à nous. Il la découvrit au milieu du lierre et me fit signe d’approcher.
        -   Il va falloir monter en premier. Avec ma jambe, je n’arriverai jamais à grimper tout seul.
          Je le fixai un instant puis lui fit un simple signe de la tête. On avait fait des nœuds sur la corde tous les dix centimètres, ce qui me permis de monter facilement. Je me hissai sans trop de mal et atteignis enfin la terre ferme. Après un rapide coup d’œil au alentour, je me penchai main tendue pour récupérer Thomas de Reney. Il saisit mon avant-bras pour avoir une meilleure prise et je tirai de toutes mes forces. Il s’accrocha de sa main libre à la corde pour m’aider à le soulever et après un effort soutenu, je pus l’extirper de la nacelle. Une fois debout, nous examinâmes les alentours. Le comte siffla et son cheval apparut de l’autre côté du vide.
        -   Voilà déjà une bonne chose, nous sommes restés du bon côté, dit-il à haute voix.
          Nous tournâmes aussi sec le dos à la faille. Thomas de Reney avait visiblement l’intention de revenir chercher son cheval plus tard. Il examina un moment le sol pour repérer les marques laissées par nos chevaux puis il s’arrêta sur une empreinte. Celle-ci était impressionnante.. La piste laissée par l’ours semblait montrer qu’il avait longé la faille. On pouvait supposer qu’il avait cherché à traverser, peut-être dans l’espoir d’avoir au moins le cheval. En tout cas, il était réconfortant de se dire que ce monstre n’était plus dans les parages.

          L’après-midi était déjà bien avancé. Le comte indiqua la direction à prendre et nous nous mîmes aussitôt en route. Sa cheville foulée nous ralentissait un peu, mais il faisait d’énormes efforts pour oublier sa douleur. Au détour d’un chemin, je vis une branche dont la forme m’interpella. Je saisis mon épée sous le regard étonnée de mon compagnon d’infortune. De plusieurs coups secs, j’arrivais à couper la branche et la tendit dans le bon sens  à Thomas de Reney. Quand il vit la fourche, il comprit aussitôt que je venais de lui trouver une béquille improvisée à sa taille. Il me remercia et nous reprîmes notre route. La béquille lui permit d’assurer son pas et nous prîmes un peu de vitesse. Soudain, ma migraine me reprit. Je mis ça sur le compte du coup que j’avais reçu à la tête et essaya de ne pas y faire cas. Quand au bout de dix minutes, la même sensation de coup de poignard dans mon cerveau me fit vaciller contre un arbre.
        -   Est-ce que ça va ? demanda le comte.
        -   Cela devrait aller j’ai juste besoin d’un peu de repos.
          Je restais appuyer contre mon tronc quand un bruissement se fit entendre dans les buissons se trouvant juste à côté de moi.
        -   Attention ! , cria aussitôt le comte, tout en me projetant en avant.
          Un bruit d’écorce sec retentit. Quand, je me retournais, je vis Thomas de Reney épée à la main faisant face à l’ours argenté. Je voulus l’imiter, mais une nouvelle vague de douleur me prit. Je saisis ma tête entre mes mains en priant que cela cesse.
        -   Restez en arrière, vous n’êtes pas en état, jeta Thomas de Reney. Ne bougez pas.
          L’ours s’était mis sur ses deux pattes arrière et grognait. S’il se jetait sur nous, s’en était finit. Le comte se mit à faire des mouvements circulaires avec sa lame de manière rapide.
        -   Arrière !, criait-il.
          Il essayait d’acculer la bête contre l’arbre juste à côté de lui. L’ours tenta de projeter une de ses pattes et prit un coup de lame. Cela le mit dans une colère folle. Il se mit à gronder de plus belle. Thomas de Reney recula et revint au plus près de moi.
        -   Est-ce que vous pouvez courir ? me demanda-t-il tout en restant fixer sur les mouvements l’ours.
        -   Je ne pense pas aller bien loin, même en courant lui dis-je réaliste.
          Thomas de Reney grimaça. Nous Ă©tions coincĂ©s. L’ours s’avançait vers nous et nous savions que plus rien ne pouvait nous aider.  Nous nous mĂ®mes Ă  reculer doucement afin de ne pas inciter la bĂŞte Ă  courir vers nous et elle semblait savourer le moment oĂą elle allait nous sauter dessus. Je sortis mon Ă©pĂ©e au prix de gros effort de concentration tant ma tĂŞte me faisait mal et la pointa vers la bĂŞte. Tant qu’à mourir autant mourir l’épĂ©e Ă  la main. Je jetais un coup d’œil sur le comte. Il Ă©tait horriblement sĂ©rieux.  Bizarrement, je savais parfaitement Ă  quoi il pensait et j’étais d’accord. Il ne souhaitait pas attendre que l’ours vint nous cueillir. Il avait espoir…Nous avions espoir de lui infliger une vilaine blessure suffisante pour nous laisser fuir. Le tuer avec une Ă©pĂ©e Ă©tait chose impossible. Mais le blesser gravement n’était pas improbable. Je fixais de nouveau Thomas de Reney d’un air convenu. Le coup que nous allions porter devait ĂŞtre rapide et prĂ©cis. Le comte hocha la tĂŞte en signe d’accord. Nous nous mĂ®mes Ă  courir vers la bĂŞte en criant pour nous donner du courage. L’ours s’était remis sur ses quatre pattes et alors que nous allions donner de l’épĂ©e, nous vĂ®mes trois flèches passer Ă  une vitesse prodigieuse et se planter dans le corps de l’animal. Je restais presque hĂ©bĂ©tĂ© regardant l’ours hurler de douleur. Cette fois, il Ă©tait furieux. Le comte se jeta sur moi pour me plaquer au sol, alors que le son de l’hallali se propageait dans le bois.  Presque aussitĂ´t une nuĂ©e de flèche fut projetĂ©e sur l’ours. Ce dernier mit peu de temps avant de tomber au sol. Nous nous relevâmes et vĂ®mes cinq chevaliers de la garde royale venir Ă  notre rencontre au galop. Quatre d’entre eux se rendirent aussitĂ´t vĂ©rifier que la bĂŞte Ă©tait morte. Le cinquième s’arrĂŞta Ă  nos cĂ´tĂ©s pour nous demander si nous allions bien.  Soudain nous entendĂ®mes le jappement de plusieurs chiens et vĂ®mes au loin se dessiner le gros de l’équipage. Le roi se tenait en avant suivi de près par le reste de l’escorte. En regardant attentivement, je vis la dĂ©pouille de l’autre ours suspendu Ă  une perche. La bĂŞte n’avait pas Ă©chappĂ© au sort qu’il lui avait Ă©tĂ© rĂ©servĂ©.  Un cheval se dĂ©tacha aussitĂ´t du groupe et vint vers nous. Je reconnus d’emblĂ©e mon père. Il descendit de cheval sans mĂŞme attendre que celui-ci s’arrĂŞtât complètement et vint vers moi, le visage marquĂ© d’inquiĂ©tude. Il me serra dans les bras si fort qu’il rĂ©veilla ma douleur Ă  l’épaule :
        -   Tout va bien, dis-je pour le rassurer. Le comte de Reney s’est bien occupé de moi, complétai-je.
          Mon père jeta un œil méfiant vers le comte puis il vit mes bandages :
        -   Il sait ? demanda-t-il sans que j’eusse besoin de comprendre de quoi il parlait.
        -   Oui. Mais il n’y a rien à craindre, dis-je sûr de moi.
          Thomas de Reney me fit un de ses sourires fort à m’agacer.
        -   Qui aurait cru qu’un tel monstre rôdait dans notre forêt, continua mon père en regardant le corps inerte de l’animal.
        -   Cette bête ne semble venir d’aucun royaume, souligna Thomas de Reney.
        -   En effet, confirma mon père. C’est pour cette raison que nous n’en parlerons jamais.
          Il fit alors signe aux chevaliers  proche du cadavre de recouvrir le corps d’une immense toile afin de cacher la dépouille au reste de l’équipage.
        -   Sur ordre du roi, tout ce qui s’est passé ici doit rester secret tant que cette histoire n’aura pas été tirée au clair, rajouta-t-il. De ce fait, il sera dit que le comte de Reney ici présent et mon fils, le comte de Beaucour ont été attaqués par un deuxième ours tout ce qu’il y a de plus normal !
          Puis mon père se retourna vers moi et le comte :
        -   Il vous faut voir un médecin, rentrons. »
          Un chevalier fit monter le comte sur sa monture et je repartis sur le cheval de mon père. Après cette mésaventure, je n’eus plus jamais de doute sur Thomas de Reney. Il était d’ailleurs l’un des seuls à avoir ma confiance la plus totale.
          Nous ne sûmes jamais d’où venait cet ours argenté. Quant à ma migraine, elle disparut sans aucune explication.

FIN.

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